Travail
méditatif pour la semaine de Pâques
Nous pourrons
échanger sur nos expériences par rapport à ce travail par la suite.
La base est le texte
ci-dessous de
Valentin Tomberg tiré
de son livre « CONSIDERATIONS ANTHROPOSOPHIQUES SUR LE NOUVEAU TESTAMENT »
Chapitre X.
Il reprend là les 7
étapes du chemin christique d’initiation tel que Rudolf Steiner l’avait décrit
succinctement dans « L’ésotérisme chrétien » (transcrit par Edouard Schuré en
1905 – peut-être vous avez ce texte)
Une bonne chose est
de méditer chacune des 7 étapes pendant chacun des 7 jours de la semaine
sainte, afin de terminer le jour de Pâques mais vous pouvez aussi commencer par
les 3 premières, sachant que chacune des 7 semaines qui suit Pâques on les
reprend 1 par 1. Il est avantageux de les lire auparavant pour bien les avoir
compris intellectuellement avant de commencer le processus des 7 jours.
Car il s’agira
ensuite, chaque jour de faire vivre méditativement en soi ces puissantes
images. Par exemple, pour l’étape du lavement de pieds, se dire :
- l'homme est plus
évolué, plus parfait, plus libre et créateur que la plante mais il a aussi
développé les passions, l'égoïsme, la capacité du mal et de la destruction.
- La plante, elle, se
règle sur les sages lois de l'univers, elle est sagesse, harmonie. Ainsi
l'homme est bien moins parfait qu'elle. Il peut se pencher vers elle avec
vénération, la remercier de le porter et de l'attendre sur le chemin.
- faire vivre
fortement ces sentiments et pensées, les vivre en effaçant les mots et même les
images qui ont servi à les construire
- quand ils sont
devenus intenses (presque à toucher) on leur donne l'apparence d'une croix
noire qui exprime à la fois la perfection de l'homme et son imperfection.
- mais l'homme peut
développer en lui cette sagesse du monde végétal, il peut transformer son
astralité en Soi Esprit (Manas, Graal, Esprit Saint)
- ces pensées
prennent la forme de 7 roses d'un rouge intense qui surgissent autour de la
croix noire.
Les 7 étapes vont
nous aider à rendre de plus en plus vivante cette méditation de la Rose-Croix.
Le lavement des pieds en constitue la 1ère partie: comment se crée la croix
noire et quelle humilité, reconnaissance, amour, va permettre de la
transformer.
Personnellement, je
l’ai plusieurs fois prolongé en reprenant chacune des 7 étapes pour chacune des
7 semaines qui vont à la Pentecôte (une étape par semaine, en la méditant
chaque matin ou chaque soir). J’y ai trouvé un grand enrichissement : la
biographie et ses différentes phases de développement se trouve éclairée et
comme fécondée par ces contenus d’âme.
Notez que 5 à 10
minutes intenses chaque jour suffisent
Voici donc le texte
de Tomberg :
Le chemin de la
Passion
1. Le lavement des
pieds
Après avoir considéré
les degrés de l'activité du Christ Jésus par la parole et par les miracles, le
moment est venu de considérer le sujet grave et sacré du chemin de la Passion.
Ce qui était vrai aussi pour les deux autres degrés de l'activité du Christ
s'applique ici dans une
mesure encore plus
grande: personne ne peut traiter ces sujets de manière exhaustive, c'est-à-dire
les comprendre et les décrire dans toute leur hauteur, profondeur et largeur.
Cette conviction se trouve aussi à la base de l'oeuvre de l'auteur de
l'Evangile selon Jean. Car si dans les premiers versets de son Evangile il
décrit le Verbe comme puissance créatrice du monde et qu'ensuite il présente le
Christ Jésus comme étant le Verbe cosmique fait chair, il dit dès le début ce
qu'il exprime à la fin de l'Evangile explicitement, comme conséquence de cet
état de fait: « Il y a encore bien d'autres choses qu'a faites Jésus. Si on les
mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à
contenir les livres qu'on en écrirait. » (Jn 21,25). Par cela, l'auteur de
l'Evangile selon Jean dit que son oeuvre n'est pas exhaustive, mais qu'elle
laisse suffisamment de place à tous les chercheurs et visionnaires du monde.
Cela est valable aujourd'hui autant qu'en ces temps là.
De cette conviction
découle naturellement aussi la suivante: chaque vérité qui arrive à être connue
sur l'être et sur l'activité du Christ ne peut être qu'une incitation à aspirer
vers une nouvelle vérité. Par conséquent, quelqu'un ayant une relation juste
avec l'impulsion du Christ ne pourra jamais exprimer son savoir en donneur de
leçon. Son état d'esprit sera celui qui peut se formuler par la question
suivante: Où et dans quelle mesure l'expression d'une connaissance peut-elle
inciter les autres personnes à aspirer vers la connaissance?
En d'autres termes,
le seul état d'esprit dans lequel on peut parler de l'activité du Christ sans
«fausse note » et sans tomber dans un certain mauvais goût est celui qui
découle de la considération de la scène du lavement de pieds. Le sujet duquel
il faut parler apporte aussi l'esprit dans lequel il faut en parler. Tout comme
on ne peut pas parler de la Madone Sixtine dans un esprit par exemple
politique, mais seulement dans un esprit religieux et artistique, de même on ne
peut parler de l'activité du Christ Jésus que dans un état d'esprit où l'âme ne
veut pas se saisir du
sujet, mais veut être elle-même saisie par le sujet. Or cela présuppose un état
d'esprit qui est essentiellement celui de l'âme qui s'incline devant la
grandeur du sujet. Si elle fait cela, elle en acquiert aussi la possibilité de
se laisser imprégner par le sujet de telle manière qu'elle devient l'organe de
la parole du sujet. Il n'y a pas d'autre manière de connaître les mystères du
christianisme par la science spirituelle: ils s'éclairent dans l'âme
silencieuse et pleine de vénération au moment voulu par le karma.
Mais ce n'est pas
seulement dans l'attitude vis-à-vis des Mystères de la Passion qu'intervient le
karma, mais aussi en ce qui concerne les connaissances qui constituent leur
contenu. Car ce qui est rendu dans les images des étapes de la Passion est le
chemin de l'être innocent du Christ Jésus à travers les conséquences karmiques
de la Chute de l'humanité. Les étapes de la Passion sont étapes du karma de la
Chute que le Christ a pris sur Lui en tant que représentant de l'humanité, ou -
selon l'expression de Paul - en tant que « nouvel Adam ».
Suite à ce sacrifice,
les conséquences de la Chute de l'humanité dans un sens général sont effacées
pour chaque homme dans la mesure où il corrige et s'acquitte des conséquences
de sa « chute individuelle », c’est-à-dire de son karma personnel. L’action de
la grâce intervient
toujours quand
l'effort assidu a mis le karma en ordre. Dans le Faust de Goethe, les vers « :
« Celui qui s'obstine dans l'effort, c'est lui que nous pouvons sauver »
expriment le fait que l'intervention de la grâce qui délivre des conséquences
de la Chute de l'humanité, c'est-à-dire l'intervention du karma du Mystère du
Golgotha, dépend de la mise en ordre du karma individuel.
Ce fait, qui est
exprimé dans « Faust » au moyen de l'art, est rendu concrètement par les moyens
de la science spirituelle dans l'œuvre de Rudolf Steiner intitulée «
L'initiation - comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs ? »
dans la description du
développement
intérieur; il y est dit que le développement conscient
dune moitié des
courants des organes suprasensibles du corps astral
fait entrer en
activité l'autre moitié des courants de ces organes. Cette
entrée spontanée en
activité de la deuxième moitié des courants des
organes
suprasensibles, dont dépendent toutes les facultés et tout le
savoir de l'homme,
est l'action de la grâce, c'est-à-dire la conséquence
concrète du Mystère
du Golgotha comme action de suppression du karma
général de l'humanité
dû à la Chute. Mais cette suppression ne peut avoir
effet que si l'homme
a mis en ordre son karma personnel, celui-ci étant
la conséquence de sa
libre initiative.
Or la mise en ordre
des conséquences de la « chute
individuelle »
consiste essentiellement dans la même succession
d'expériences
(parcourues dans chaque cas individuel à un niveau
différent et dans des
circonstances variées), expériences qui,
intensifiées de
manière grandiose ont été décrites et vécues dans la
succession des étapes
de la Passion du Christ Jésus. Les étapes du
chemin pris par
l'Innocent doivent être parcourues par les hommes en
tant que coupables.
Les étapes imméritées de la souffrance du Christ sont en même temps des étapes
de la souffrance méritée par les
hommes qui, sur ce
chemin, aspirent à la vérité et à la vie du monde
spirituel dans
l'existence humaine. Mais si on tend vers ce but
sciemment, les étapes
de la compensation karmique deviennent en même
temps étapes de la
connaissance: car le karma est la grande école
occulte du monde et
non un simple dispositif punitif universel.
Ceux qui savaient que
le chemin karmique de l'homme consiste à
faire les expériences
des étapes de la Passion du Christ ont conçu, en se
basant sur cette
connaissance, des exercices spirituels qui, sous une
forme concentrée et
simplifiée, contiennent l'essentiel de ce chemin. De cette manière on a donné à
l'individu la possibilité d'éveiller en lui les
forces nécessaires
pour surmonter les épreuves du chemin karmique.
Ces exercices ont
changé de forme - mais seulement de forme, selon les
conditions de l'état
de conscience de l'humanité aux époques
respectives; mais le
contenu spirituel-moral des exercices est resté et
reste toujours
inchangé. Il reste inchangé parce qu'il est l'impulsion du
Christ proprement
dite, de laquelle dépend toute l'évolution terrestre.
Qu'on s'immerge dans
les images des Evangiles comme celles de la
Crucifixion, de la
Mise au Tombeau et de la Résurrection, ou par exemple
dans l'image de la
Rose-Croix, l'impulsion spirituelle-morale reste la
même, car la
Rose-Croix est l'expression de la Mort et de la
Résurrection autant
que les images mentionnées des Evangiles.
Les représentations
qui revêtent le contenu moral-spirituel ont
dû être changées à la
fin du Moyen-Age; elles ont dû être empruntées à
l'observation de la
nature, tandis qu'auparavant les hommes s'adonnaient
à la contemplation
des représentations tirées des Evangiles. Ce
changement a dû se
faire parce que les Evangiles ne pouvaient plus
servir comme point de
départ à la conscience de l'humanité des époques
suivantes telle
qu'elle avait progressé: les Evangiles sont devenus eux-
mêmes objets de la connaissance
au lieu d'en être la source, comme
c'était le cas
auparavant.
Mais les
représentations dont on se servait pour les nouveaux
exercices avaient la
même mission que les anciennes représentations,
c'est-à-dire éveiller
dans l'âme les forces nécessaires pour le lavement
des pieds, la
flagellation, le couronnement d'épines, le portement de la
croix, la mort, la
mise au tombeau et la Résurrection. La différence
introduite sur le
chemin de développement spirituel mentionné,
concernant le
changement de forme des exercices, consiste dans le fait
qu'auparavant on
partait des images issues de l'Evangile dans lesquelles
on vivait de manière
si intense qu'elles remontaient dans l’âme en tant
qu'imaginations et
inspirations, alors que plus tard on partait de
représentations qui
n'étaient pas liées à la condition de la foi
inconditionnelle dans
la tradition évangélique mais qui pourtant, par un
travail intensif,
conduisaient aussi à l'expérience imaginative et
inspirative, qui se
révélait comme étant les images décrites dans les
Evangiles et le
contenu verbal leur correspondant.
Le chemin mystique
chrétien(1), qui était conditionné par la foi
dans la tradition
relatée dans les Evangiles, conduisait donc, à partir des
images
traditionnelles, à la vision des faits mystiques. Par contre, le
chemin de
connaissance rosicrucien conduisait à la vision des mêmes
réalités
spirituelles, à partir d'images et de représentations qu'on se
forgeait soi-même.
Mais la vision des
réalités spirituelles du chemin de l'initiation
chrétienne n'est pas
simple contemplation ni simple savoir, mais elle
signifie en même
temps un niveau karmique à partir duquel ce qui a été
vu intervient comme
exhortation et comme impulsion déterminant
l'attitude intérieure
de l’âme dans une certaine situation de la vie. Ainsi,
par exemple, la
rencontre intérieure avec la scène du lavement des pieds
décrite par la
science spirituelle est en même temps l'expérience d'une
loi et d'une force
fondamentales du monde spirituel. Il s'agit ici de
l'expérience de la
relation du haut et du bas telle qu'elle est voulue par
le monde spirituel ;
cette relation détermine aussi toute la méthode de
l'occultisme
occidental chrétien. Car il existe trois images, trois
représentations
profondément symboliques, qui représentent en même
temps le comportement
moral ainsi que les principes qui définissent trois
méthodes de courants
occultes: la « libération par envol », la «montée
sur le trône » et le
« lavement des pieds ».
Considérons d'abord
le yoga indien, tel qu'il est pratiqué de nos
jours comme méthode
occulte. De quoi s'agit-il au fond dans ce yoga? Il
s'agit d'une certaine
transformation du système de courants de
l'organisme humain:
ce qu'on appelle « le feu de kundalini » sommeillant
dans la partie
inférieure de l'organisme est réveillé et dirigé vers le
haut, dans la tête.
Là, il doit avoir une force d'impact suffisante pour
passer à travers la «
boîte crânienne » et libérer toute la vie de la
conscience de l'homme
de la captivité à l'intérieur du crâne. Il s'agit de
ressentir le corps
comme une prison et d'oeuvrer, par le moyen de la
pratique du yoga, à
la libération de cette prison. On tend dans le yoga à
régler la relation du
haut et du bas de manière à ce que le bas soit
abandonné par la
conscience qui s'envole. Celle-ci devrait s'envoler,
portée par le feu du
serpent (kundalini), sur les ailes de la pensée. Le
serpent ailé à tête
humaine qui s'envole du règne dans lequel il est
captif : voilà
l'image qui définit l'objectif du yoga.
Une image différente
se trouve à la base d'une deuxième
méthode. Il existe
une tendance très répandue qui est celle d'avoir un
pouvoir sur la nature
humaine à l'aide de l'occultisme. Ici aussi il s'agit
de diriger le système
des courants de l'organisme humain pour atteindre
le but qu'on s'est
proposé. Mais il ne s'agit pas dans ce cas de produire
une libération de la
conscience, mais de tenir en main et maîtriser les
courants densifiés et
renforcés de l'homme inférieur. La conscience se
crée, dans
l'organisme humain, une base solide dans le but de développer
sa puissance. Elle se
crée un support dans l'homme inférieur et elle s'y
appuie. Et elle ne
s'y appuie pas dans un sens moral, mais clans le sens
d'une provision de
force pour le déploiement de sa puissance. Alors
l'homme se construit
une sorte de trône et il monte dessus sans qu'il soit
couronné d'en haut
par d'autres mains qui l'auraient béni et lui auraient
conféré une mission.
La montée sur le trône sans couronnement est
l'autre méthode, qui
est aussi très répandue, à côté du yoga indien.
Or l'image du
lavement des pieds est en profonde opposition
avec les deux images
mentionnées plus haut. Car le fait de se pencher
est en opposition
avec l'envol du serpent ailé et le lavement des pieds
est en contradiction
avec la montée sur le trône. Si les images, autant
par leur contenu que
par leur substance morale, se trouvent en
contradiction, les
méthodes de développement spirituel dont ces images
expriment les
principes sont différentes aussi. Car dans la discipline
chrétienne il ne
s'agit ni de fuite de la prison du corps, ni de se servir du
corps dans le but de
développer la puissance, mais il faut plutôt que les
forces de l'homme
supérieur descendent dans l'homme inférieur,
jusqu'aux pieds, en
éclairant et en transformant les forces de ce
dernier.
Ainsi par exemple le
déroulement de la méditation cultivée dans
le sens de la
discipline chrétienne rosicrucienne est tel que la lumière
de la conscience qui
s'allume dans la tête est intensifiée et renforcée au
point qu'elle descend
de la tête vers le larynx, du larynx jusqu'au coeur
et de là, finalement,
jusqu'aux pieds, y apportant son influence purifiante
et transformatrice.
Il s'agit ici aussi de régler le système de courants
de l'organisme
humain, mais cela se fait de manière à ce que la
conscience conduise
ces courants vers le bas pour transformer
intérieurement
l'homme inférieur, pour qu'il aille de plus en plus dans le
sens du vrai, du beau
et du bon. La relation entre le haut et le bas est
orientée de manière à
ce que le haut se penche vers le bas pour le servir
- ainsi que cela est
représenté dans la scène du lavement des pieds.
Dans la méditation,
le principe du lavement des pieds est
fondamental pour le
développement intérieur qui a lieu dans l'organisme
humain. Là sont en
effet « lavés les pieds » par l'homme supérieur qui se
penche. Dans la
réalité concrète cela signifie d'habitude que l'homme
supérieur veut et
s'efforce à y arriver, mais le courant de force
spirituelle qui
afflue de haut en bas comme effet, venant du monde
spirituel, est envoyé
comme grâce. D'habitude c'est l'ange - ou aussi un
autre être supérieur
du monde spirituel - qui se penche vers le méditant
et lui « lave les
pieds », c'est-à-dire qu'il lui envoie sa force spirituelle
jusqu'à ses pieds.
Car le lavement des pieds est l'attitude fondamentale
des êtres du monde
spirituel, où les êtres supérieurs servent les êtres
inférieurs: les archées
servent par exemple les archanges, les
archanges les anges
et les anges les hommes.
Par conséquent, le
processus réel de méditation ne signifie pas
seulement un état
d'esprit « de lavement des pieds » de l'homme
supérieur vis-à-vis
de l'homme inférieur, mais aussi en même temps un
lavement des pieds
tout à fait concret de la part des êtres du monde
spirituel vis-à-vis
du méditant. II est donc primordial que l'homme entier
crée les conditions
pour qu'il puisse faire l'objet du lavement des pieds
accompli à partir du
monde spirituel.
Mais ces processus
intérieurs ne sont que la préparation de ce
qui s'en suivra.
L'homme doit apprendre à exercer le lavement des pieds
non seulement
intérieurement, mais aussi dans les actions extérieures.
Il n'a pas seulement
la mission de faire l'objet du lavement des pieds
mais aussi,
progressivement, d'en devenir le sujet, c'est-à-dire
accomplir, à partir
de lui-même et vis-à-vis des autres, ce qui a été
accompli vis-à-vis de
lui.
Si l'homme reconnaît
cette mission, il s'efforcera à faire pour
l'humanité non
seulement ce qui est exigé par les conditions extérieures
de la vie, mais aussi
ce qu'il aura librement décidé de faire, comme il
s'est décidé
librement par exemple pour le travail méditatif. Il se
consacrera alors à un
travail propre à contribuer à l'introduction du vrai,
du beau et du bon
dans les domaines de l'existence humaine où le vrai, le
beau et le bon ne
vont pas de soi. Les hommes qui ont décidé de se
mettre au service de
l'humanité peuvent former - s'ils se retrouvent
entre eux - des
communautés qui n'existent pas pour elles-mêmes mais
pour oeuvrer à servir
l'humanité. C'est ainsi que se sont formées des
communautés, plus ou
moins grandes, qui ont incarné le courant de
l'occultisme chrétien
dans le monde. Elles fournissent en ce monde un
travail qui est aussi
peu connu et reconnu que le travail accompli par les
anges à l'intention
de l'humanité, Ce travail, dans la mesure où il a une
signification, est
basé sur le lavement des pieds, qui n'est pas seulement
le principe
fondamental de la méthode de discipline spirituelle du
courant chrétien
rosicrucien, mais aussi le fondement de toute son
action dans le monde.
D'autres courants
occultes agissent par contre sur d'autres
bases, correspondant
aux méthodes d'apprentissage de ces courants.
Car la manière d'agir
est le fruit de l'apprentissage: comme la figue est
le fruit du figuier,
la manière d'agir d'un courant spirituel est l'image de
la méthode
d'apprentissage de ce courant.
Le lavement des pieds
est bien le fondement sur lequel repose
l'action qui va dans
le sens du courant spirituel chrétien. Pourtant, le
lavement des pieds
n'est à considérer actuellement que comme un idéal
futur. Car l'effet
issu de l'homme lui-même n'atteint de nos jours que
les «pieds » de
l'homme supérieur, c'est-à-dire les « pieds » de la tête.
Les pieds de
l'homme-tète se trouvent dans l'organe des oreilles, là où vibre le tympan. Et
l'action de l'homme dans le sens du lavement des
pieds arrive
généralement de nos jours jusqu'à ce degré de lavement des
pieds, c'est-à-dire
jusqu'à la purification des « pieds situés dans les
oreilles ». Dans de
rares cas, elle peut s'étendre jusqu'aux « pieds » de
l'homme médian, de
l'homme-poitrine - le lavement des mains de l'autre
est en fait
aujourd'hui seulement un idéal à atteindre. En ce qui
concerne l'effet
allant jusqu'aux pieds de l'homme inférieur, c'est-à-dire
jusqu'aux vrais
pieds, il sera possible seulement dans la sixième époque
de culture, quand le
Maitreya incarné aura fondé la magie blanche
individuelle de
l'homme.
Actuellement, la
mission du lavement des pieds objectifs reste
dans les limites de
l'énoncé : « Celui qui a des oreilles pour entendre,
qu'il entende ». Elle
peut se rapporter seulement aux pieds qui sont
cachés dans les
oreilles. Cela signifie qu'à l'époque actuelle, il s'agit
surtout d'un rôle
annonciateur. Alors le « prêcheur » doit se pencher
jusqu'à l'oreille de
l'autre, c'est-à-dire jusqu'à sa capacité de
compréhension. Mais
le lavement des pieds pourra croître de plus en plus
dans l'avenir,
jusqu'à ce qu'à la fin, le grand exemple du lavement des
pieds donné par le
Christ Jésus Lui-même puisse être atteint. Alors on
pourra transmettre
d'homme à homme non seulement la pensée
purifiante mais aussi
la vie morale de la volonté. La force du bien et non
seulement sa
compréhension, pourra être transmise d'un homme à
l'autre. C'est le
sens de la scène du lavement des pieds telle qu'elle est
décrite dans
l'Evangile selon Jean.
2. La flagellation
Si la rencontre
intérieure avec la réalité spirituelle du lavement
des pieds représente
la connaissance d'une loi du monde spirituel et d'un
principe fondamental
de l'apprentissage spirituel selon la méthode
chrétienne
rosicrucienne, une rencontre de la même nature avec la
réalité spirituelle
de la flagellation représente la connaissance d'une
autre loi du monde
spirituel et d'un autre principe fondamental de cet
apprentissage. Il
s'agit de la relation entre la droite et la gauche, comme
il s'agissait dans le
lavement des pieds de la relation entre le haut et le
bas. Car régler
vraiment, selon la volonté de la Divinité, la relation entre
la droite et la
gauche dans l'être humain et dans son action est une
tache de la plus
grande portée spirituelle-morale et elle comprend un
long chemin
d'expérience et d'apprentissage. Il s'agit essentiellement
d'établir cette
relation de la manière indiquée dans le verset: « que ta
main gauche ne sache
pas ce que fait ta main droite » (Mt 6,3).
Pour comprendre
l'exigence exprimée dans cet énoncé, et
comprendre aussi les
sens de la flagellation, il faut admettre un fait qui
a souvent été décrit
par Rudolf Steiner (par exemple dans les
conférences « Le
monde comme résultat d'actions qui se tiennent en
équilibre (2) », et
qui est le suivant: la forme humaine exprime, dans sa
configuration
symétrique, la manière dont les forces lucifériennes et
ahrimaniennes venant
des deux c6tés rentrent dans l'être humain et
s'équilibrent à
l'intérieur de l'homme. « L'homme gauche », c'est-à-dire
l'oeil gauche,
l'oreille gauche, la main gauche et la jambe gauche est
« l'homme luciférien
», alors que « l'homme droit » est ahrimanien. Entre
les deux se trouve la
surface du milieu, qui représente la scène sur
laquelle se trouve le
Moi et le divin-spirituel qui agit à travers le Moi.
Dans ce sens, la «
main droite » signifie l'aspect ahrimanien dans
l'homme et la « main
gauche » l'aspect luciférien. Le principe qui dit que
la main gauche ne
doit pas savoir ce que fait la droite signifie que le
savoir doit se
trouver dans le troisième principe, celui qui est humain-
divin, et non pas
dans l'homme gauche ou droit. Et il ne doit pas se
trouver non plus dans
ces deux hommes, car cela signifierait une
coalition du
luciférien et de l'ahrimanien dans l'homme, c'est-à-dire
l'alliance du calcul
conscient de son but et de l'impulsivité personnelle.
Une telle alliance
serait ce qu'il y a de pire: elle serait le contraire de
l'énoncé formulé plus
haut; car alors la main gauche saurait ce que fait
la droite. Or cela
voudrait dire que toute droiture et toute honnêteté
seraient rendues
impossibles, car dans toute vie de l'ôme se mêlerait le
calcul.
Or la main droite et
la main gauche doivent bien participer à
l’accomplissement des
actes, mais elles ne doivent pas donner le mobile
de ces actes.
Celui-ci, c'est-à-dire le « savoir ce qu'on fait », appartient
au troisième homme
qui développe sa conscience sur la surface de
contact entre l'homme
gauche et l'homme droit. Mais vers cet homme du
milieu sont lancées
des attaques venant de gauche et de droite pour le
faire vaciller et
basculer à droite ou à gauche. A l'intérieur de
l'organisme humain a
lieu une lutte incessante qui consiste d'abord en un
combat du luciférisme
et de l'élément ahrimanien l'un contre l'autre,
mais qui après
l'établissement de la relation entre le haut et le bas sous
le signe du lavement
des pieds se manifeste par des assauts donnés des
deux côtés contre
l'homme du milieu. Cet assaut donné des deux côtés
sur le « fils de
l'homme » qui s'est mis debout, reliant le Ciel et la Terre,
et qui se déroule à
l'intérieur de l'être humain, est l'essence de
l'expérience
intérieure de la flagellation.
L'important est que
le vrai homme apprenne à se tenir debout,
et qu'il apprenne à
se tenir de manière à ce qu'il ne s'écarte ni vers la
gauche, ni vers la
droite de la conscience morale spirituelle. Ce « rester
debout » est en même
temps le deuxième fondement spirituel-moral de
l'apprentissage
spirituel chrétien occidental. Cet apprentissage est basé
sur l'attitude morale
dans laquelle, entre le droit et le devoir, c'est à
l'imagination morale
que revient le mot décisif, comme expression de la
conscience morale
spirituelle créatrice. Car l'impulsion du Christ n'est ni
un droit ni un
devoir, mais le puisement libre à la source d'amour
cosmique. Et cet acte
créateur est justement ce que Rudolf Steiner a
appelé « imagination
morale » dans sa « Philosophie de la liberté » (3).
L'attitude morale
mentionnée détermine aussi la méthode
concrète de
l'apprentissage spirituel, qui est conditionné par cette
attitude morale. Sur
ce chemin, l'exercice de méditation doit être
construit de manière
à ce qu'il ne devienne ni immersion fervente dans la
prière, ni réflexion
sobre, mais expérience caractérisée par une pensée
solide et claire, se
déroulant dans la lumière tranquille de la conscience.
Le rayon vivant de
lumière de l'homme médian ne doit pas seulement
éclairer, mais aussi
se maintenir, avec une calme fermeté, devant les
assauts de droite et
de gauche. C'est la fermeté calme et pondérée
demeurant dans la
lumière d'une pensée juste et élevée qui est
importante dans
l'exercice de méditation.
Il existe dans les
autres courants spirituels des exercices qui
se distinguent
fondamentalement de l'exercice de méditation
caractérisé plus
haut. Par exemple, il existe des exercices destinés à développer la
perspicacité, le sens de l'observation et l'habileté à disposer des objets de
l'existence physique à son gré. Il s'agit alors
d'exercices devant
conférer au disciple un avantage sur les autres, dans le monde physique.
D'un autre côté, on
pratique dans une autre orientation des
exercices d'immersion
mystique, d'extase. Ces exercices sont destinés à
rendre possibles des
expériences suprasensibles de clairvoyance, en
annihilant ou en atténuant
la conscience du Moi.
Dans le premier
groupe d'exercices il s'agit de diriger la
conscience sur le
monde physique plus que ce n'est normalement le cas,
et aussi de s'y
enfoncer. bans le deuxième groupe d'exercices il s'agit
par contre d'éteindre
l'activité de la raison et des sens pour arriver à
des expériences de
rêve du suprasensible dans un état d'immersion
extatique.
Or sur le chemin
chrétien rosicrucien il ne s'agit ni de renforcer la conscience physique, ni
d'une extension de la conscience de rêve dans
la vie diurne, mais
du lien de la conscience éveillée avec le monde
spirituel et du
maintien de ce lien sans dévier vers la rêverie ou vers le
sensitif-physique.
Le maintien du lien
avec le monde spirituel grâce au rayon de la
conscience morale
spirituelle est une attitude qui peut devenir de plus
en plus une nécessité
vitale, cela aussi dans la destinée de celui qui
exerce le maintien de
ce lien avec le monde spirituel par le contenu de la
méditation. Alors il
arrive que les difficultés intérieures qui sont
surmontées dans
l'être intérieur de l'homme lors de l'exercice de
méditation sortent en
quelque sorte de lui-même et apparaissent
maintenant dans «
l'organisme de destin » de la personne en question.
Les assauts de droite
et de gauche, qui jusque là étaient des
phénomènes purement
intérieurs, s'extériorisent dans le destin. Celui-ci
prendra alors un
caractère qui fera que l'homme sera mis devant un
dilemme qui
n'apparaîl pourtant pas dans le but d'inciter à un choix, mais
dans le but de faire
apparaître la force de ne pas choisir. Les
possibilités de choix
se présentent alors à l'homme comme Scylla et
Charybde, parmi
d'autres vrais dilemmes entre lesquels l'homme doit
vraiment choisir. Ce
qui apparat alors est un faux dilemme, auquel il
faut résister, car il
n'est pas le vrai dilemme du bien et du mal. Mais il
faut encore une fois
insister sur le fait qu'en même temps que le faux
dilemme peuvent se
présenter aussi des vrais, et que par conséquent il
faut surmonter non
seulement l'épreuve de ne pas choisir et de résister,
mais aussi l'épreuve
de la décision quand il faut choisir quand même.
Alors le destin peut
présenter un autre changement. Il peut
arriver que les faux
dilemmes qui incitaient d'abord à la décision
deviennent des
attaques et des pressions réelles venant des deux côtés.
L'entourage de
l'homme peut alors se transformer en calomnie et en
besoin, en hostilité
et en souci, et lui assener coup sur coup. Il s'agit
alors de ne succomber
ni à l'emportement, ni à la colère, à la peur ou au
découragement, mais
de se maintenir dans la fidélité d l'esprit. Alors ce
ne sont pas des
convictions abstraites qui vont tenir bon, mais seulement
la conscience qu'on
doit supporter un karma en tant que coupable, karma
qui a été supporté
dans une mesure incomparablement plus grande par
l'Innocent, de cette
conscience découle la force de l'humilité qui est la
seule force qui
compte dans cette situation, car la force de la fierté est
alors brisée.
Ce qu'on peut
éprouver de cette manière en tant que
« flagellation »,
aussi bien à l'intérieur de l'être humain, dans la
méditation, que dans
le destin individuel, dans la vie, peut et doit être
vécu aussi dans
l'histoire, par la partie de l'humanité qui s'est décidée
pour l'impulsion du
Christ dans l'histoire du genre humain. Et cette
partie de l'humanité
doit faire l'expérience de la « flagellation »
historique sous la
forme suivante dans le monde avec ses peuples et ses
races il n'est
accordée aucune « place » au christianisme. D'autres
idéaux et d'autres
chemins seront acceptés par le monde, et les peuples
se combattront à
cause de ces idéaux et de ces chemins, mais ils seront
finalement tous
d'accord que le christianisme est au moins superflu.
Comme à l'intérieur
de l'organisme humain le vrai homme n'a à sa
disposition que la
surface de la coupe verticale où il doit s'affirmer
contre les assauts de
gauche et de droite, de même l'espace entier de
l'humanité organisée
sera possédé par d'autres forces, et il ne restera
pour le christianisme
spirituel vivant qu'une «surface de la coupe
transversale » entre
la droite et la gauche. La parole de l'Evangile selon
Matthieu « vous serez
haïs de toutes les nations à cause de mon nom »
doit devenir réalité
parce que l'humanité doit amener la réalisation de la
même situation que
celle qui intervient à l'intérieur de l'individu en tant
qu'épreuve sur le
chemin de l'apprentissage spirituel. Comme tous les
organes de l'homme
droit et gauche sont en possession de l'élément
ahrimanien et du
luciférisme, à partir desquels partent les assauts
contre l'homme
spirituel dépourvu d'organes, de même tous les peuples
de l'organisme de
l'humanité seront organisés de telle sorte qu'ils seront
ennemis du
christianisme; celui-ci ne sera pas adapté à ces
organisations et ne
proviendra pas d'elles. Car le vrai christianisme est la
conscience morale de
l'humanité et il a aussi peu à voir avec les
différents peuples et
organisations que la conscience morale individuelle
de l'homme a à voir
avec les différents organes.
Mais que doit
signifier le fait que le christianisme n'aura à sa
disposition que la
surface verticale entre la droite et la gauche? Cela
signifie que le
christianisme n'aura en réalité aucune place, il sera exclu
de tout ce qui est
organisé (et le monde appartiendra aux organisations).
Il ne pourra se
développer que dans la conscience individuelle et dans la
relation consciente
entre les individualités. Le christianisme deviendra,
dans la suite de son
histoire, « un royaume qui n'est pas de ce monde ».
Et ce n'est qu'à ce
moment-là qu'il montrera toute sa force, car il sera
alors réellement et
définitivement sans compromis. Car la faiblesse du
christianisme
historique consiste dans le fait qu'il est obscurci par
l'esprit de
compromis. Cet esprit de compromis se manifeste surtout
dans le fait de
mettre ses espoirs dans quelque chose d'autre que
'Esprit lui-même. On
croit trouver des alliés dans des idées, des forces
et des moyens puisés
à d'autres sources. Tant que durent ces illusions,
le christianisme ne
peut pas se développer complètement comme force
active dans les âmes
humaines. Car son développement complet est
conditionné par
l'entière dévotion de l'âme. Et cette dévotion entière de
l'âme peut apparaître
quand intervient l'épreuve de la flagellation. Ce
n’est que dans cette
situation que s'envolent les illusions de l'esprit de
compromis et de désir
de s'appuyer sur autre chose que ce qui afflue par
la porte de la
conscience morale, comme révélation spirituelle vivante.
Mais cette épreuve
est en même temps expérience: on y fait
l'expérience de la
réalité de l'impulsion du Christ de manière plus claire
et plus forte que
dans toute autre situation. Et la conséquence de cette
expérience - cela est
valable aussi bien pour la vie intérieure de
l'individu que pour
l'histoire spirituelle de l'humanité - est que l'impulsion
du Christ « dépourvue
de place » arrive justement à gagner de la place.
Elle gagne de la
place à l'intérieur de l'organisme humain, non pas dans
quelque organe isolé
mais dans le sang qui circule dans tous les organes.
Et à partir du sang,
elle transforme intérieurement, petit à petit, tout
l'organisme, celui de
gauche comme celui de droite. Alors apparaît l'état
qui est caractérisé
par les paroles: « la main gauche ne doit pas savoir
ce que fait la droite
», car le savoir appartiendra alors à l'homme de
conscience morale et
non pas à l'homme gauche ou à l'homme droit.
Il en sera de même
avec les conséquences historiques du
christianisme qui
aura vécu la flagellation dans l'histoire. Alors le
christianisme
ressenti comme n'étant « pas de ce monde » deviendra un
courant spirituel éthérique
qui, à l'instar de la circulation du sang,
traversera tout
l'organisme de l'humanité. Ce courant de l'effet de la
conscience morale
spirituelle parcourra « tous les peuples », les
transformant
intérieurement et les délivrant des liens de l'esprit de
groupe et de
l'organisé. Et dans la mesure où il trouvera un écho auprès
d'hommes et de
groupes de personnes de tous les peuples, une nouvelle
communauté culturelle
de l'humanité se formera progressivement: la
communauté culturelle
qui est appelée dans l'Apocalypse de Jean
« philadelphique » et
qui est, dans la terminologie de la science
spirituelle, la
sixième époque de culture post-atlantéenne.
La sixième culture
post-atlantéenne sera la culture de
l'impulsion du
Christ, qui ne parcourra pas toute l'humanité en tant que
doctrine, mais
surtout comme force sociale. Et cette culture aura des
pépinières dans «
toutes les nations » et sera un lien de l'unité
fraternelle du genre
humain réunissant tous les peuples et pays. Car elle
sera le fruit de la
mise en ordre des relations entre la droite et la
gauche dans le sens
de l'expérience que l'épreuve de la flagellation aura
rendue possible.
3. Le couronnement
d'épines
La rencontre
intérieure avec la réalité spirituelle du
couronnement
d'épines, qui fait suite au lavement des pieds et à la
flagellation, révèle
à la connaissance des faits spirituels et des lois qui
ne sont pas moins
importants et fondamentaux que ce n'est le cas dans
le lavement des pieds
et dans la flagellation. Elle révèle la manière,
voulue par le monde
spirituel et conforme à ses intentions, de régler les
relations entre
l'avant et l'arrière. Car cette relation doit être réglée
de manière tout aussi
consciente dans le sens de l'impulsion du Christ
que les relations
entre le haut et le bas et entre la droite et la gauche;
cela doit se faire
par le travail spirituel, par le destin et par l'histoire du
monde.
Pour comprendre de
quoi il s'agit dans la relation entre l'avant et
l'arrière, il faut
d'abord considérer l'être humain du point de vue de
cette problématique.
Et il faut commencer par considérer, dans sa
portée intérieure, le
« simple » fait que dans ses activités de
perception, de
parler, d'agir et de marcher, l'homme est orienté vers
rayant. L'homme
frontal est celui qui perçoit, parle, agit avec ses mains
et se déplace avec
ses jambes, alors que l'homme dorsal est aveugle,
muet et incapable
d'agir.
L'organisation
physique de l'homme exprime la réalité
intérieure: l'homme
actif est orienté vers l'avant et l'homme passif vers
l'arrière. Par
conséquent, tout courage dans la vie terrestre trouve son
expression, ainsi que
ses organes, dans l'homme frontal; toute dévotion
vis-à-vis des règnes
supérieurs et inconnus de l'existence est disposée
dans l'homme dorsal.
Mais l'homme, tel qu'il est devenu après la Chute,
n'est pas uniquement
un représentant du courage et de la dévotion; au
contraire, il est
prédisposé de telle sorte que la crainte et la honte
jouent un r6le pour
le moins aussi important que le courage dans la vie et la dévotion envers le
destin.
Car les deux
principales forces élémentaires qui sont entrées dans l'homme à cause de la
Chute sont justement la crainte et la honte. Dans la Bible, ce fait est indiqué
lorsqu'il y est dit qu'Adam s'est caché devant le Seigneur et que le premier
couple humain a vu « qu'ils étaient nus ». Les yeux des hommes se sont en effet
« ouverts », mais en même temps, les hommes on pris conscience de leur « nudité
». Lucifer a donc bien tenu sa promesse: les sens de l'homme frontal se sont
ouverts sur le monde extérieur - mais en même temps est entrée en lui la honte.
Et la force qui a chassé, venant de derrière, l’homme dorsal du Paradis et qui
lui a fait prendre la fuite était la force de la crainte. Depuis ce temps,
l'homme frontal est habité par la honte et l'homme dorsal par la crainte. Car
ces deux forces empêchent l'homme d'avoir à nouveau l'expérience du « Paradis
», sur le seuil duquel se tient le Gardien. La honte le fait se détourner du
Paradis et la crainte l'en maintient éloigné. Or ces forces agissent principalement
en restant enfouies dans le subconscient de l'homme. Là elles ont comme effet
le rideau qui couvre le monde spirituel. Seulement une petite partie de ces
forces transparaît dans la conscience qu'on ressent dans le corps physique.
Mais si la conscience s'élève jusqu'au corps éthérique, elle se rend alors
compte de ces forces. Et dans le corps éthérique elle rencontre ces forces
d'une manière qui correspond à la nature du corps éthérique qui est un corps
temporel. Là elle ressent la honte comme étant la puissance élémentaire qui
couvre le passé; par contre la crainte est ressentie comme étant la force qui
voile l'avenir. Car dans son corps éthérique l'homme est organisé de manière
opposée par rapport à son organisation physique. Cela ne concerne pas uniquement
le sexe, mais aussi la relation entre l'homme frontal et l'homme dorsal: quand
l'homme regarde vers l'avant dans son corps physique, il regarde dans son corps
éthérique vers l'arrière. L'homme qui voit, c'est-à-dire l'homme « frontal »,
est
dans le corps
éthérique celui qui voit le passé, et l'homme « dorsal » est orienté vers
l'avant, vers le futur.
Ces prédispositions
arrivent à leur plein développement, dans les composantes supérieures de l'être
humain, pendant la vie d'après la mort; alors l'homme vit l'état de kamaloca en
une rétrospective en sens rétrograde et il vit l'état de devachan dans la
direction de l'avenir.
Mais en règle
générale ces prédispositions n'arrivent pas à se
développer pendant la
vie entre la naissance et la mort. Elles n'arrivent
pas à se développer
parce que la honte et la crainte dérobent le monde
spirituel à la vue.
Ces deux forces du sentiment sont le karma
« intérieur » des
éléments luciférien et ahrimanien dans l'homme. Elles
empêchent l'homme
d'entrer consciemment dans le monde spirituel. Mais
les mêmes forces
deviennent pour Mme des ailes, quand la honte est
transformée en
conscience morale, et la crainte en vénération. Car la
honte et la crainte
sont les rayons de l'épée à deux tranchants du
Gardien qui se tient
sur le Seuil du monde spirituel et avec laquelle il
retient celui qui
n'est pas autorisé à franchir ce Seuil; par contre, la
conscience morale
éveillée et la vénération sont les deux ailes sur
lesquelles le même
Gardien élève l'âme de l'homme dans le monde
spirituel.
Il s'ensuit que la
rencontre avec le 6ardien du Seuil est le
troisième principe du
chemin chrétien rosicrucien. Car cette rencontre
détermine la méthode
de préparation et elle est aussi celle qui confère
sûreté aux
connaissances concernant le monde spirituel. La partie non
transformée des
éléments luciférien et ahrimanien est laissée de ce
côté-ci du Seuil,
alors l'expérience ayant lieu de l'autre côté du Seuil est
sûre. Elle est donc
sûre parce qu'on l'atteint sans la participation des
forces qui font
naître des illusions.
Or il existe ici
aussi d'autres chemins qui mènent à des
expériences
spirituelles sans passer par la rencontre avec le Gardien du
Seuil. II existe par
exemple des hommes qui aspirent au « repos béni
dans la lumière ».
Ils y aspirent de telle sorte qu'ils veulent ressentir le
monde spirituel en
tant que béatitude. Ils s'élèvent en intensifiant la vénération jusqu'à
l'expérience de la béatitude lumineuse dans laquelle ils oublient tout - y
compris tous les besoins et les souffrances de
l'humanité. Mais de
cette manière ils contreviennent à la requête du Gardien de maintenir la
conscience morale éveillée. Il est vrai qu'ils cultivent la vénération, mais
l'aspiration à la béatitude (ananda) estompe
la conscience morale.
Et tandis qu'elle insensibilise la conscience morale,
elle insensibilise
aussi la conscience de la rencontre avec le Gardien du
Seuil. Pour la
conscience, cette rencontre n'a pas lieu; à cause de cela
n'a pas lieu non plus
l'entrée dans le vrai monde spirituel. La «béatitude
lumineuse » qu'on
ressent sur ce chemin n’est pas le monde spirituel dans
lequel l'homme entre
post mortem seulement après la purification dans
le kamaloca et où il
entre aussi sur le chemin de l'initiation seulement
après la rencontre
avec le Gardien, mais c'est une région particulière de
l'existence qui peut
être appelée « devachan luciférien ». Cette région
est une sorte de «
double luciférien de la Terre; elle est lumineuse,
mais elle ne contient
aucune vérité.
D'autres personnes
aspirent par contre à une connaissance de
l'invisible en
surmontant la crainte Mais ils ne développent pas le
courage qui est
l'expression de la vénération, mais le courage du réalisme
dépourvu de
vénération. Par cela ils arrivent à l'expérience de ce qu'on
appelle « la vérité
toute crue » des hommes et de l'univers. Ils font
l'expérience des
mystères de la subconscience des hommes, comme de
celle de l'organisme
de la Terre. Toutes les formes de l'égoïsme de
l'homme leur sont
révélées et ils connaissent de nombreuses forces de
l'intérieur de la
Terre. Beaucoup de courage est en effet nécessaire
pour les connaître,
mais ce courage est, selon sa nature - puisqu'il est
dépourvu de
vénération - du cynisme spirituel Et l'homme tel qu'il est
connu par ce chemin
n'est pas le vrai homme, mais l'homme inférieur du
subconscient; et le
monde qui est connu alors n'est pas le vrai monde
spirituel, mais son
reflet déformé jusqu'à son contraire sous la forme
des sphères de
l'intérieur de la Terre. Car il n'est pas possible d'entrer
dans le vrai monde
spirituel par ce chemin, le vrai monde spirituel étant
gardé par le Gardien,
et ses exigences sont le courage de la conscience
morale et la dévotion
empreinte de vénération. Si on évite la rencontre
avec le Gardien,
l'aspiration unilatérale ne conduit pas au monde
spirituel, mais dans
le monde de Lucifer ou dans celui d'Ahrimane.
Pour cette raison, la
rencontre avec le Gardien du Seuil est à la
base de la méthode de
l'école chrétienne rosicrucienne dans la même
mesure que le
principe du « lavement des pieds » et que celui de la
« flagellation ».
Mais la rencontre avec le Gardien o des conséquences
bien déterminées pour
celui qui l'a vécue. Certains mystères de
l'existence lui sont
révélés et par cela il devient lui-même « gardien » de
ces mystères. Le
Gardien du Seuil lui confie, à partir de ce moment, une
partie de sa mission.
L'homme se trouvera investi lui-même d'une partie
de la responsabilité
et de la mission qui incombait ou Gardien du Seuil.
Ce qui lui avait été
confié par le monde spirituel, l'homme doit
maintenant le «
garder » dans le sens de la mission du Gardien du Seuil.
Mais cela signifie
que le choix de la manière dont il veut mettre son
savoir au service de
l'humanité lui est laissé libre. Car la « garde » ne
consiste pas à garder
secret ou à dissimuler, mais a pour mission de
rendre la
connaissance accessible, de manière juste, à tous ceux qui y
aspirent consciemment
et qui en ont réellement besoin.
Ainsi on confie à
l'homme une nouvelle dignité quand il surmonte
l'épreuve de la
rencontre avec le Gardien. On lui met une « couronne ».mais qui ne serait dans
les yeux du monde que moquerie et dérision si son existence était connue; elle
signifie pour la personne en question
une nouvelle
souffrance et une nouvelle épreuve. Car s'il a fallu
surmonter la honte et
la crainte pour satisfaire aux exigences du
Gardien du Seuil on
en devient pour autant de plus en plus soi-même non
seulement
représentant du mystère, mais aussi éveilleur de la honte et
de la crainte chez
les autres.
L'homme ne devient
pas simplement généreux donateur pour les
autres, mais en même
temps il devient lui-même une épreuve pour beaucoup de personnes. Il devra
accepter le fait que représenter la vérité devant les hommes éveille souvent en
même temps leur honte et
leur épouvante,
accepter aussi la nécessité de se tenir muet aux yeux
d'une multitude qui
l'épie avidement pour lui trouver quelque chose qui
serait indigne de la
vérité qu'il représente, ou bien qui cherchent dans
son cheminement les
preuves d'une fausse vérité. Car la honte qui ne
veut pas être
démasquée ouvre les yeux des hommes à tous les défauts
de la personnalité
qui doit représenter le monde spirituel, et la crainte
qui veut rester
cachée confère au regard de l'homme l'habileté de
trouver, dans la
vérité spirituelle représentée par l'homme en question,
des contradictions.
C’est à de tels yeux
que s'expose celui qui a pris sur lui de « garder », de représenter la vérité
spirituelle. Et celui qui porte la couronne d’épines doit surmonter la honte et
la crainte de s'exposer de
la sorte devant les
yeux des hommes, comme il a eu à surmonter la honte
et la crainte devant
la voix de la conscience morale spirituelle
représentée par le
Gardien du Seuil. Il ne doit pas se laisser entraîner
dans des polémiques
pour se défendre et il ne doit pas non plus reculer
épouvanté devant le «
regard effronté et tranchant » des hommes qui le
dépouillent et qui
dépècent ce qui lui est le plus sacré. Il ne doit se
permettre ni un pas
agressif vers l'avant, ni céder d'un pas en arrière.
La couronne d'épines
de sa mission l'oblige à se maintenir, à se tenir dans
la vérité. Ce
maintien est en même temps l'expérience d'une nouvelle
dignité; la dignité
de la vérité qu'il représente. Et cette dignité est la
vraie dignité de
l'homme, la dignité du fils de l'homme.
Ce qui vient d'être
caractérisé ici de manière plut6t générale peut être clarifié, en se basant sur
de nombreux exemples concrets donnant une image vivante et bouleversante, quand
on considère à partir de ce point de vue la vie de Rudolf Steiner. La vie de
Rudolf Steiner est
effectivement la
meilleure source à laquelle on peut puiser une compréhension profonde du
lavement des pieds, de la flagellation, du couronnement d'épines, du portement
de la croix et de la crucifixion.
Ces degrés ont été
transposés par le cours de cette vie dans l'histoire spirituelle de notre
époque et ils représentent en même temps les caractéristiques de l'histoire
spirituelle future de l'humanité Car le couronnement d'épines est aussi,
pareillement à la flagellation par exemple, une nécessité future, historique et
karmique, de l'histoire du genre humain. Le couronnement d'épines deviendra une
situation du domaine de l'histoire spirituelle dans le futur de l'humanité,
quand « l'humanité blanche » (4) s'opposera à l'humanité ahrimanienne, après la
séparation complète
des deux courants. Alors l'humanité « blanche » se tiendra comme représentante
de la vérité spirituelle devant l'autre humanité, en tant que reproche et en
même temps avertissement. Et elle se tiendra alors devant une humanité devenue
clairvoyante de tous les manquements et faiblesses, devant une humanité qui
aura non seulement
la faculté de percer
à jour tout ce qui est imparfait, mais aussi la faculté d'agir de manière
destructive en utilisant chaque imperfection comme porte d'entrée. Alors cette
parole deviendra vérité historique:
« Celui qui a, on lui
donnera, mais celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé jusqu'au
dernier reste » Tout bien se trouvant encore prisonnier du compromis sera
anéanti par les forces de l'autre humanité. Ainsi « le dernier reste » sera
enlevé à ceux qui « n'auront » pas l'attitude sans compromis.
Ici peut se finir la
considération des trois premiers stades de la
Passion dans leur
signification pour la méthode occulte, pour le karma et
pour l'histoire
spirituelle du genre humain. Il y aurait à rajouter encore
un petit résumé
spirituel-moral comprenant l'essentiel de ces étapes. Ce
résumé peut
s'exprimer en courtes phrases. Car dans le lavement des
pieds, il s'agit de
surmonter la fierté par le service rendu dans la
flagellation, de
l'attitude sans compromis et sans pencher des deux
côtés; dans le
couronnement d'épines il s'agit de se tenir au nom de la
vérité, sans fuir en
avant et sans fléchir en arrière. Ainsi les trois
stades du chemin
chrétien peuvent être résumés dans les paroles
:
« Que le premier soit
le serviteur de tous.
Que sa main gauche ne
sache pas ce que fait la droite.
Qu'il sache: le
serviteur n'est pas plus grand que son maître.
»
Les prochains stades
de la Passion seront discutés dans l'étude
suivante.
Notes :
(1) Rudolf Steiner
décrit cette initiation chrétienne dans L'Evangile selon Jean »,
Triades, 1998,
onzième conférence, et il donne dans « Seelenübungen mit Wort-
und
Sinnbild-Meditationen » GA 267 des indications plus précises
pour ce chemin (pages
262 â 268) (NDT).
(2) dans « Aspects
spirituels de l’Europe du Nord et de la Russie », EAR, 1981
(3) E,A.R., 1989 et
Editions Novalis. 1993
(4) Le terme d' «
humanité blanche » est utilisé ici dans le même sens que celui de
« magie blanche » par
opposition à « magie noire » (N. D. T)
Chapitre XI
Michel
Joseph
No hay comentarios:
Publicar un comentario