jueves, 26 de abril de 2012

La mission de l'Europe -Rudolf Steiner




Manoir Montaphilant

La mission de l'Europe

1) les relations entre pays dans lesquels les trois systèmes organiques de l'Etat politique, de l'économie et de la vie de l'esprit seraient autonomisés : Voici ce qu'en dit Rudolf Steiner en 1919 dans son livre "Fondements de l'organisme social", chapitre 4 sur la triarticulation sociale et les relations internationales.



4. Relations internationales des organismes sociaux



[04/01] La triarticulation interne de l'organisme social sain conduira à des relations internationales elles aussi triarticulées. Chacun des trois domaines aura sa relation indépendante avec le domaine correspondant des autres organismes sociaux. Entre les pays s'établiront des relations économiques qui ne seront pas directement influencées par les relations entre les Etats politiques.

 [* Celui qui objecte que les relations juridiques et économiques forment en fait un tout et qu'elles ne peuvent être séparées les unes des autres, passe à côté de ce que nous entendons par articulation sociale. Dans l'ensemble des échanges commerciaux, les deux sortes de relations agissent bien entendu comme un tout. Mais décider des droits en fonction des nécessités économiques n'est pas la même chose que d'en décider en fonction de sentiments de justice élémentaires et de seulement ensuite laisser interagir ce qui en est résulté avec les échanges économiques.]

 Et, réciproquement, les relations des Etats politiques se développeront, dans une certaine mesure, totalement indépendamment des relations économiques. De par cette indépendance au niveau de leur genèse, ces différentes sortes de relations pourront se contrebalancer en cas de conflit. Des liens d'intérêt se noueront entre les différents organismes sociaux qui feront apparaître les frontières territoriales comme étant sans relevance pour la communauté humaine. Les organisations spirituelles des différents pays pourront avoir entre elles des relations qui résultent uniquement de la vie spirituelle commune de l'humanité. La vie spirituelle, indépendante de l'Etat et ne reposant que sur elle-même, sera à l'origine d'une nouvelle situation, dont il ne peut être question aussi longtemps que la reconnaissance des productions spirituelles dépend de l'Etat et non de l'organisation du spirituel. A cet égard, il n'y a pas de différence entre les productions de la science, dont l'internationalité est évidente, et celles d'autres domaines de l'esprit. Un de ces domaines de l'esprit est par exemple la langue propre à un peuple, et tout ce qui a directement trait à la langue. La conscience propre à un peuple relève aussi de ce domaine. Les habitants d'un territoire linguistique éviteraient nombre de conflits avec ceux d'un autre s'ils renonçaient à se servir de l'organisation de l'Etat ou de la puissance économique pour faire valoir leur culture. Lorsque la culture d'un peuple a, comparée à une autre, une plus forte capacité d'expansion et fécondité spirituelle, son expansion est justifiée et peut s'accomplir d'une manière pacifique, si elle est exclusivement confiée aux institutions qui dépendent des organismes spirituels.



[04/02] Actuellement, la plus vive opposition à la triarticulation de l'organisme social vient encore des groupements humains qui se sont développés à partir de la communauté de langue et de culture ethnique. Cette opposition devra se plier devant le but que l'ensemble de l'humanité va devoir se fixer, d'une manière de plus en plus consciente, pour répondre aux nécessités du temps présent. Cette humanité ressentira que chacune de ses parties constituantes n'accède à une vie véritablement digne de l'homme que lorsqu'elle se relie de manière énergique à toutes les autres parties. Les groupements ethniques et autres impulsions d'ordre naturel, sont historiquement à l'origine des communautés juridiques et économiques actuelles. Mais les forces par lesquelles les ethnies évoluent, ont, pour se déployer, besoin d'une interaction qui ne soit pas entravée par les relations que les Etats politiques et les coopératives économiques développent entre eux. Ce sera le cas lorsque les communautés ethniques réaliseront la triarticulation interne de leurs organismes sociaux, de telle manière que chacun des trois systèmes puisse développer ses propres relations indépendantes avec d'autres organismes.



[04/03] Entre peuples, états et corps économiques se forment alors des relations d'ordre multiple qui relient chaque partie de l'humanité à d'autres parties, de telle manière que chacune ressente intérieurement la vie des autres, dans ses propres intérêts. Une Société des Nations prend naissance dans de telles impulsions fondamentales qui l'ancrent dans la réalité. Il ne sera pas nécessaire de la «mettre en place» d'un point de vue uniquement juridique.

 [* Celui qui y voit en cela une «utopie» ne voit pas qu'en vérité la réalité tend vers des institutions qu'il tient pour utopiques, et que la dégradation de cette même réalité provient justement du fait que ces institutions font défaut.]



[04/04] Pour une pensée qui s'attache à la réalité, il doit sembler particulièrement significatif que d'un organisme social, les buts présentés ici tout en ayant valeur pour toute l'humanité, peuvent néanmoins être réalisés par chaque organisme individuel, indépendamment de l'attitude provisoire d'autres pays envers cette réalisation. Lorsqu'un organisme social s'ordonne en ses trois domaines naturels, les délégations de ces trois domaines peuvent en tant que corps constitué unitaire entrer en relations internationales avec d'autres, même si ces autres n'ont pas encore envisagé la triarticulation pour eux-mêmes. Qui prend l'initiative de cette triarticulation oeuvre pour un but humain communautaire. Bien plus que par les constatations d'un congrés, ou sur la base de conventions, ce qui doit être fait réussira par la force de ce qui, dans la vie, se révèle comme un but fondé sur de véritables impulsions humaines. Ce but est conçu sur une base de réalité; dans la vie réelle, on peut s'efforcer de l'atteindre à tous les niveaux.

 Rudolf Steiner


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